FORMATION LITTÉRATURE - CAS PRATIQUE N°3 - Daniel PENNAC / Alphonse DAUDET
- Bruno Milet
- il y a 5 jours
- 5 min de lecture

Voici les textes proposés aux élèves dans le cadre de la 3e journée de formation qui aura lieu mardi 15 juillet.
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Je leur fournis de nombreuses activités basées sur la compréhension et l'analyse littéraire, la grammaire, la syntaxe, des dictées
Les deux premiers cours ont été sur
Le premier homme d'Albert Camus
No et moi de Delphine de Vigan
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TEXTE 1 (pages 233 à 236)
Le lendemain de cette visite, revenu à Paris, comme je descendais des collines du 20e arrondissement vers mon bureau, l'idée m'est venue d'évaluer les élèves que je croisais sur ma route en me livrant à un calcul méthodique. 100€ de basket, 110 de jean, 120 de blouson, 82 de sac à dos, 182 de baladeur (à 90 décibels, la ravageuse tournée auditive), 90€ pour le téléphone portable multifonctions, sans préjuger de ce que contiennent les trousses que je vous fais, bon prix, à 50€, le tout monté sur des Rollers flambants neufs à 150€ la paire. Total, 880€, soit 5764 francs par élève, C'est-à-dire 576.400 francs de mon enfance. J'ai vérifié les jours suivants, à l'aller comme au retour, en comparant avec les prix affichés dans les vitrines qui se trouvaient sur mon chemin. Tous mes calculs aboutissaient aux alentours du demi-million. Chacun de ces gosses valait un demi-million de francs de mon enfance. C'est une estimation moyenne par enfant de la classe moyenne doté de parents à revenus moyens dans le Paris d'aujourd'hui. Le prix d'un élève parisien remis à neuf, disons, à la fin des vacances de Noël, dans une société qui envisage sa jeunesse avant tout comme une clientèle, un marché, un champ de cibles.
Des enfants clients donc, avec ou sans moyens, ceux des grandes villes comme ceux des banlieues, entraînés dans la même aspiration à la consommation, dans le même universel aspirateur à désirs, pauvres et riches, grands et petits, garçons et filles, siphonnés pêle-mêle par l'unique et tourbillonnante sollicitation : consommer, c'est-à-dire changer de produit, vouloir du neuf, plus que du neuf, le dernier cri. La marque ! Et que ça se sache !, Si leurs marques étaient des médailles, les gosses de nos rues sonneraient comme des généraux d'opérette. Des émissions très sérieuses vous expliquent en long et en large qu'il y va de leur identité. Le matin même de la dernière rentrée scolaire, une grande prêtresse du marketing déclarait à la radio, sur le ton pénétré d'une aïeule responsable, que l'école devait s'ouvrir à la publicité, laquelle serait une catégorie de l'information, elle-même aliment premier de l'instruction. CQFD. J'ai dressé l'oreille. Que nous contez-vous là, Madame Marketing, de votre sage voix de grand-mère si bien timbrée ? La publicité dans le même sac que les sciences, les arts et les humanités. Grand-mère, êtes-vous sérieuse ? Elle l'était, la Coquine ! Et diablement ! C'est qu'elle ne parlait pas en son nom, mais au nom de la vie telle qu'elle est. Et tout à coup m'est apparue la vie selon grand-mère Marketing : une gigantesque surface marchande sans murs, sans limites, sans frontières et sans autre objectif que la consommation. Et l'école idéale selon Grand-Mère : un gisement de consommateurs toujours plus gourmands. Et la mission des enseignants : préparer les élèves à pousser leurs caddies dans les allées sans fin de la vie marchande. Qu'on cesse de les tenir à l'écart de la société de consommation !, martelait, Grand-Mère. Qu'ils sortent « informés » du ghetto scolaire ! Le ghetto scolaire. C'est ainsi que grand-mère appelait l'École. Et l'information, c'est à quoi elle réduisait l'instruction ! Tu entends, oncle Jules, les gosses que tu sauvais de l'idiotie familiale, que tu arrachais à l'inextricable maquis des préjugés, de l'ignorance, c'était pour les enfermer dans le ghetto scolaire, dit donc ! Et vous, ma violoncelliste du Blanc-Mesnil, saviez-vous qu'à éveiller vos élèves à la littérature plus qu'à la publicité, vous n'étiez que la garde-chiourme aveugle du ghetto scolaire ? Ah !, professeurs, quand donc écouterez-vous Grand-Mère ? Quand donc vous mettrez-vous dans le crâne que l'univers n'est pas à comprendre mais à consommer ? Ce ne sont ni les pensées de Pascal, ni le discours de la méthode, ni la critique de la raison pure, ni Spinoza, ni Sartre qu'il faut mettre entre les mains de vos élèves ô philosophe, c'est le Grand catalogue de ce qui se fait de mieux dans la vie telle qu'elle est.
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TEXTE 2 (Introduction de Pennac + Extrait d’un roman d’Alphonse Daudet) - Pages 244/245 du livre
À en croire l'air du temps, la violence ne serait entrée qu'hier à l'école par les portes de la banlieue et par les seules voies de l'immigration. Elle n'y existait pas avant. C'est un dogme, ça ne se discute pas. Il me reste pourtant le souvenir de pauvres gens torturés par nos chahuts dans les années 60, ce professeur excédé jetant son bureau sur notre classe de 3e par exemple, ou ce surveillant emmené, menottes aux poignets pour avoir tabassé un élève qu'il avait acculé à la folie, et, au tout début des années 80, ces jeunes filles apparemment fort sages, qui avaient envoyé leur professeur en cure de sommeil (J’étais son remplaçant) parce qu'il avait eu la prétention de leur faire fréquenter la princesse de Clèves, que ces demoiselles jugeaient « trop chiante ». Dans les années 70, celle du dix-neuvième siècle cette fois, Alphonse Daudet exprimait déjà sa douleur de pion torturé.
« Je pris possession de l'étude des moyens. Je trouvais là une cinquantaine de méchants drôles, montagnards joufflus de 12 à 14 ans, fils de métayers enrichis que leurs parents envoyaient au collège pour en faire de petits bourgeois, à raison de 120 francs par trimestre. Grossiers, insolents, parlant entre eux un rude patois cévenol auquel je n'entendais rien, ils avaient presque tous cette laideur spéciale à l'enfance qui mue, de grosses mains rouges avec des engelures, des voix de jeunes coqs enrhumés, le regard abruti, et par là-dessus, l'odeur du collège. Ils me haïrent tout de suite sans me connaître. J'étais pour eux l'ennemi, le Pion. Et du jour où je m'assis dans ma chaire, ce fut la guerre entre nous, une guerre acharnée, sans trêve, de tous les instants.
Ah ! Les cruels enfants, comme ils me firent souffrir !
Je voudrais en parler sans rancune, ces tristesses sont si loin. Eh bien ! non, je ne puis pas ; et tenez, à l'heure même où j'écris ces lignes, je sens ma main qui tremble de fièvre et d'émotion. Il me semble que j'y suis encore.
(…)
C'est si terrible de vivre entouré de malveillance, d'avoir toujours peur, d'être toujours sur le qui-vive, toujours armé. C'est si terrible de punir - on fait des injustices malgré soi - , si terrible de douter, de voir partout des pièges, de ne pas manger tranquille, de ne pas dormir en repos, de se dire toujours, même aux minutes de trêve : « Ah, mon Dieu, qu'est-ce qu'ils vont me faire maintenant ? »
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Et voici quelques-unes des questions posées. Il y en a évidemment beaucoup d'autres. Je ne vous propose pas les réponses dans ce post. Elles sont réservées aux personnes inscrites
TEXTE 1
Quelle vision l’auteur donne-t-il de l’école selon "Grand-Mère Marketing" ? Est-ce une vision positive ou négative ?
Quels procédés ironiques pouvez-vous repérer ?
Relevez un passage où l’auteur se livre à une parodie ou à une caricature. Quel effet produit-elle ?
TEXTE 2
Quel est le registre dominant de ce passage ? Justifiez votre réponse par des procédés précis. Y a-t-il des changements de tonalité au cours du texte ?
Comment l’auteur suscite-t-il l’empathie du lecteur pour le narrateur ? Analysez le rôle des adjectifs, des exclamations et de la syntaxe émotive.
Relevez et commentez le vocabulaire péjoratif ou dépréciatif dans la description des élèves. Quel effet ce lexique produit-il ?
Il est encore possible de rejoindre le groupe et de revoir les deux premiers cours
Pour la formule asynchrone, contactez-moi par mail ou par WHATSAPP. Elle est au prix de 120€
WHATSAPP: +34 687 11 72 58 / +33 614 45 21 94
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